4e de couverture : "L’imprévu absolu se substitue à l’ordinaire. Le chemin ne conduit plus à aucune maison. Désormais, la maison ne confère plus aucune sécurité, ni chaleur ou repos. La ville, tyrannisée par l’imprévu, a transformé chaque foyer en prison. La vie est devenue fille du hasard. Je suis vivant parce que j’ai de la chance, c’est tout. Aucune autre raison ne l’explique, ni la volonté de vivre, ni même les lois de la sélection naturelle. "
Il est palestinien. Elle est française. Nous sommes à Ramallah, en 2002. Ramallah, mon amour : une longue lettre adressée à une femme, à moins que ce ne soit à la ville assiégée. Mahmoud Abou Hashhash y conjugue, entre présence et absence, mémoire et oubli, l’amour et l’écriture, qu’il construit et déconstruit sans cesse, comme cette ville dévastée à laquelle il est attaché malgré lui. Une nouvelle voix à l’heure où s’ouvre un pan inédit de l’histoire palestinienne.
Mon avis : il s'avère que j'ai lu ce livre en juin dernier, soit juste après que des commandos de l'armée israélienne aient attaqué une flotille internationale d'activistes pro-palestiniens (neuf sont morts suite à cet abordage) transportant de l'aide humanitaire et qui se rendait à Gaza et, au moment même où Israël rejettait une enquête internationale sur cette attaque. De fait, cette lecture a alors pris un relief particulier même si son cadre se déroule en 2002.
Ce livre expose tout à la fois la description de la vie quotidienne dans les territoires occupés et les doutes d'un homme pris entre l'amour d'une femme éloignée, amour dans lequel il se sent prisonnier, et l'attrait irresistible d'une étrangère avec laquelle il va vivre un amour fou et magnifique. C'est donc entre peur et désir que le narrateur oscille tout au long de cette lettre qu'il écrit à la femme étrangère qui l'a quitté et dans laquelle il retrace leur histoire, prêtexte aussi à des retours en arrière lui permettant de mettre en exergue le lien particulier qui l'unit à Ramallah.
Mahmoud Abou Hashhash nous propose une belle écriture enlevée et parfois exhaltée comme celles des auteurs proches-orientaux : elle est surtout le moyen de résister à la destruction du monde qui l'entoure et prend de ce fait une ampleur particulière.
En résumé : un livre intéressant à lire de par son aspect témoignage et auquel je donne la note de 16/20.
Merci qui ?
Merci aux bibliothécaires de la MLIS qui ont mis un bandeau "coup de coeur" sur ce livre et l'ont exposé en évidence sur les présentoirs.
J'ai aimé ces passages :
Page 27 et 28 :
Un officier lui a demandé :
- Qu'est-ce que tu fais ?
Muhammad lui a répondu, une cigarette dansant au bout des lèvres :
- Je repeins la maison. Avec ce blocus, je ne peux rien faire. Plus de boulot. Je me suis dit que j'allais repeindre la maison.
Ces mots n'ont pas plu à l'officier. Etait-il donc possible qu'un Palestinien, au milieu de tout ce sang et de ces destructions, trouve l'envie et la volonté de repeindre son appartement ?
Le soldat a demandé :
- Tu penses rester éternellement dans cette maison et dans cette ville ?
Muhammad a répondu :
- Bien sûr ! Où veux-tu que j'aille ?
- Descends ! a ordonné le soldat furieux.
Page 42 :
Qui parle de guerre ? Il n'y a pas de guerre ici, seulement la conquête d'un peuple sans défense. Aujourd'hui les fenêtres sont sources d'angoisse et de mort. Elles l'ont souvent été par le passé. En de tels instants, chacun aimerait voir les murs devenir impénétrables et les fenêtres se transformer en ouvertures minuscules. Pourtant, les gens continuent de bâtir des maisons avec des balcons et des fenêtres aussi larges que possible. Malgré cinquante ans d'occupation, pas une maison ne possède d'abri. C'est que les gens ne se sont pas départis de leur rage de vivre, de leur amour du soleil et du ciel.
Le petit plus de Véro : avec ce livre, mon tour du monde m'entraîne en Palestine.