4e de couverture : dans la moiteur des nuits orageuses de Pretoria, Ben Du Toit découvre un monde tout proche et pourtant si loin de sa vie d'Afrikaner. Peu à peu, il ouvre des yeux incrédules sur un système qu'il cautionne par ignorance et par lâcheté et qui entretient une communauté, un peuple, dans le désespoir et la résignation. La naïveté de Ben est telle qu'il croit encore à une justice où toute notion de couleur ou de race serait abolie, mais dans les années quatre-vingt en Afrique du Sud, l'espoir est un privilège de Blanc. Loin d'avoir voulu faire de son personnage un héros acquis à une cause humanitaire, André Brink dépeint un homme révolté qui se battra pour comprendre pourquoi les services de police peuvent en toute impunité tuer des hommes parce qu'ils sont noirs. Dans le pays de l'apartheid, les moyens pour préserver la sécurité d'État sont expéditifs, Ben l'apprendra à ses dépens. L'ouvrage, interdit en Afrique du Sud dès sa publication, recèle aujourd'hui toute la force d'un témoignage et demeure, malgré un contexte politique heureusement pacifié, d'une bouleversante humanité.
Mon avis : replaçons d'abord le contexte de l'histoire. Ben Du Toit est un Afrikaner c'est-à-dire un sud-africain blanc d’origine néerlandaise, française, allemande ou scandinave s’exprimant dans une langue dérivée du néerlandais du XVIIe siècle : l’afrikaans, bref un africain blanc qui vit en Afrique du Sud à côté des quatre millions de ses congénères et somme toute assez loin des quarante millions d'africains noirs du pays.
Bien sûr, il en côtoie, en aide même certains comme Gordon le jardinier de l'école où il travaille mais sans réellement s'intéresser à leur situation, sans remettre en question l'hégémonie bienveillante des blancs envers les noirs. Et puis un jour, Gordon lui apprend que son fils Jonathan a disparu, ce fils dont Ben finançait les études.
Alors Ben cherche à savoir et d'autant plus quand il s'avère que Jonathan a été tué dans les locaux de la police. Puis Ben, en dépit des avertissements plus ou moins explicites, s'entête et franchit un nouveau pas lorsque Gordon, à son tour, est enlevé par la police puis tué. C'est alors que sa vision des réalités va basculer, que ce qui jusque là se posaient comme des évidences va devenir sujet à caution, que Ben va s'interroger sur les conditions de vie des seize millions de noirs qui vivent à deux pas de lui dans le ghetto de Soweto. Or, à l'heure de l'apartheid, vouloir savoir pourquoi et qui a tué un noir est risqué, se battre contre l'injustice relève d'un parcours solitaire qui conduit à l'exclusion sociale et familiale... Ben se retrouve donc seul.
Voilà une lecture dont on ne peut ressortir indemne car même s'il s'agit d'une période révolue, ce roman est prégnant et poignant. Il renvoie à une réalité toute proche - il y a seulement trente ans - au moment où certains se sont levés contre leurs congénères pour préférer la justice à l'arbitraire, la dignité humaine au confort, l'égalité entre êtres humains au pouvoir...
Rappelons que ce roman a été interdit dès sa publication en Afrique du Sud, interdiction qui depuis a été levée : Prix Médicis étranger en 1980, Une saison blanche et sèche est un plaidoyer contre l'apartheid et pour le droit imprescriptible aux libertés individuelles quelle que soit la couleur de sa peau.
En résumé : vous aurez compris que je vous recommande chaudement ce roman auquel je donne la note de 18/20.
Un extrait que j'aime...
Page 233 : le gouvernement manipule l'électorat comme si c'était un âne reprit-il. Une carotte devant et un coup de pied dans le derrière. La carotte c'est l'apartheid, le dogme, la grande abstraction. Le coup de pied, c'est simplement la peur. Le péril noir, le péril rouge, quel que soit le nom que vous voulez lui donner.
Le petit plus de Véro : après l'Australie, nous avons parcouru l'Afrique du sud grâce à Evertkhorus (n'hésitez pas à cliquer pour retrouver les liens des autres blogolecteurs et découvrir leurs lectures). Merci à elle pour cette formidable idée de voyage et surtout pour la découverte de ce roman incontournable ! J'attends avec impatience la prochaine destination...
Par la même occasion, j'en profite pour passer par l'Afrique du sud dans mon tour du monde en lisant !